Maurice Trihan - Traiteur de l'art

Publié le par Bel Ami

TRIHAN.jpgPlus qu'un traiteur, Maurice Trihan se considère comme un artiste de la cuisine. Après 50 ans de métier, désireux de transmettre son savoir aux jeunes, il a publié en juin un livre en deux tomes qui vient de dépasser les 1.000 ventes !


Maurice Trihan n'est pas un simple traiteur. Il le dit d'ailleurs lui-même, fièrement mais sans prétention : « Je suis un artiste de la cuisine ! Vous savez, lorsqu'on est Meilleur ouvrier de France, on est à la pointe du savoir, au sommet de l'art culinaire ». Sa charcuterie, installée rue de Nemours, en plein coeur de Rennes, attire d'ailleurs une clientèle extra rennaise. « On y vient de toute la Bretagne, et même parfois de plus loin », estime le patron, qui emploie 25 salariés. A tel point que pendant les fêtes, cinq CDD supplémentaires sont nécessaires. 
500 pages de recettes illustrées 
Un passionné de 50 ans de métier, et dont le livre en deux tomes "Art et technique de la charcuterie moderne", publié en juin 2006, a déjà dépassé le millier de ventes ! « Ça marche bien », selon son auteur. « C'est normal, c'est vraiment un très beau livre. Regardez, les titres et polices gravées en doré sur la couverture, comme c'est beau ! » se félicite-t-il. Au total, pas moins de 500 pages de recettes, accompagnées de photos pleines pages. « C'est mon éditeur bordelais, Délicéo, spécialiste de la gastronomie, qui l'a publié. Pensez donc, je ne l'aurais pas confié à n'importe qui ! » 
Publier au Japon 
Un premier tome sur la charcuterie, un second plus orienté « traiteur et cuisine chaude ou froide », et dont le succès est tel qu'avec son éditeur, Maurice Trihan pense publier son « oeuvre » à l'étranger, notamment en Chine et au Japon. « Ça se fera bientôt. Les Japonais sont des bons ! Vous leur dites une chose une fois, et c'est plus la peine d'y revenir ! » La parution d'"Art et technique de la charcuterie moderne" s'inscrit dans une volonté profonde de Maurice Trihan. « Je voulais transmettre aux jeunes générations. J'ai un savoir, qui est une référence au niveau national, et je tiens à ce qu'il perdure. Car, de nos jours, tout progresse. Le problème, c'est qu'en même temps, la charcuterie traditionnelle, à l'ancienne, se perd », regrette l'homme de 66 ans, à la moustache grise et au regard passionné. Ce goût pour la cuisine, Maurice Trihan le cultive depuis toujours. « Je suis né dans l'Eure, en décembre 1940. Mes parents étaient venus s'installer ici à cause de la guerre, mais ils étaient bretons. À l'époque, la voie toute tracée pour moi était logiquement celle de mon père : travailler sur les terres. Mais moi, je voulais cuisiner. » 
« J'ai toujours été très compétitif » 
En 1958, le jeune homme passe ainsi son CAP de charcutier traiteur. « Je suis ensuite parti à Paris immédiatement, pour me perfectionner. Car en ce temps-là, le meilleur apprentissage, c'était de travailler chez un bon employeur ». Les emplois se succèdent, jusqu'en 1960, et le début du service militaire. « Je suis parti deux ans en Algérie. Là-bas, on en a vu des vertes et des pas mûres. On avait beaucoup de rigueur, mais ça me correspondait. J'ai toujours été compétitif, prêt à travailler dur pour réussir. Je suis maniaque, j'aime les choses bien faites ! Et l'armée, ça m'a appris qu'il fallait travailler ».
Meilleur ouvrier de France 
En 1962, Maurice Trihan retourne à Paris, et se marie avec Paulette, l'année suivante. D'employeurs en employeurs, le jeune traiteur acquiert « une bonne expérience », puis passe à la vitesse supérieure en 1965, en ouvrant sa propre affaire. « J'aimais gravir les échelons, prendre de l'importance », raconte le Rennais. 
Sans attendre, il ouvre unee seconde charcuterie. « Je commençais à devenir un bon », sourit l'homme. A tel point qu'en 1982, il reçoit « la récompense suprême » : le titre de Meilleur ouvrier de France. Un concours qui a lieu tous les trois ans, qui se déroule sur deux jours et qui attire pas moins de 4.000 cuisiniers. « C'est la reconnaissance de l'excellence dans la profession », assure Maurice Trihan. « Il n'y a rien au dessus. Une fois qu'on a ce titre, on ne peut plus accéder plus haut. Rendez-vous compte, il n'y a pas plus de 70 Meilleurs ouvriers de France ! Mais pour y arriver, j'ai fait beaucoup de concours, près de 50 ! C'est que, j'aime le défi, la confrontation. J'aime être le meilleur, confie-t-il. J'ai toujours eu cette envie de gagner pour être reconnu »
La Légion d'Honneur remise en 2001 
Sept années après, le Meilleur Ouvrier de France s'installe à Rennes, rue de Nemours. Lui en cuisine, sa femme à la vente. En 2001, nouvelle reconnaissance : la Légion d'Honneur lui est remise, à Rennes. « Une addition de toute ma vie ». Une médaille qui s'ajoute à tant d'autres trophées et récompenses : le Ruban Bleu, le Mérite national, la Grande Médaille d'Argent remise par le président Chirac... Aujourd'hui, Maurice Trihan ne chôme pas. « J'ai un emploi du temps chargé », explique-t-il. « Je continue à travailler et à rechercher de nouvelles choses en cuisine. Mais, à mon niveau, c'est facile, c'est de l'immédiat. Innover, c'est indispensable pour ne pas régresser. Les fondamentaux, il faut toujours les pratiquer, mais ensuite, il faut donner un peu de piment. Un Meilleur Ouvrier de France n'a pas le droit de faire des choses ordinaires. Il doit être capable de faire des choses que les autres ne savent pas, c'est normal ». S'il ne pense pas encore à la retraite, il souhaite néanmoins partager son talent. « J'arrêterai un jour, mais pas tout de suite. Et puis, il faut être opérationnel pour mieux transmettre ! » Quand il n'est pas derrière sa cuisine, le traiteur est devant : « je donne beaucoup de cours. A l'école nationale de Paris, mais également à l'étranger. En 2000, par exemple, je suis parti enseigner dans les grandes chaînes d'hôtels au Japon. Notamment au Méridien Pacifique ». Le temps qu'il lui reste, c'est à Paris qu'il le passe. « Je suis président national adjoint de l'association Meilleur Ouvrier de France, depuis un an. Je m'investis beaucoup, et je vais à Paris deux fois par mois. Il y a pas mal de choses à gérer, entre les directives pour les concours, les participations à des jurys, etc. Mais c'est tellement passionnant de s'investir pour aider la réussite des jeunes ». Mais le spécialiste des pâtés en croûte et des fois gras, « dont il existe une infinité de sortes », se soucie également de la formation de ses employés. « Au moins trois fois par an, je fais faire un stage à mes gars, ici même, dans ma charcuterie. Je fais venir des spécialistes, et je prépare des formations à thèmes. C'est important qu'ils voient autre chose, qu'ils se remettent en question »
Un livre dédié aux pâtisseries artistiques 
Et comme si cela ne lui suffisait pas, Maurice Trihan, père de deux filles et un garçon, se penche actuellement sur un nouveau projet : « Je vais faire un autre livre », détaille-t-il. « Cette fois, ce sera un livre dédié aux pâtisseries salées et artistiques »

Journal des Entreprises (35) - février 2007

Publié dans Portrait

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